top of page
Patrimoine&Bourse

L’inflation : fin du pic en 2023 ?

Sujet au cœur de l’actualité économique de ces derniers mois mais également de la dernière campagne présidentielle, l’inflation occupe désormais tous les esprits. Comment s’est construite l’inflation que l’on observe aujourd’hui ? Quelles évolutions peut-on attendre ?



Stricto sensu l’inflation est définie, par les organismes faisant référence en la matière, comme la perte du pouvoir d'achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. La perte de valeur de la monnaie est un phénomène qui frappe l'économie mondiale dans son ensemble (ménages, entreprises, institutionnels etc.). Son évolution récente est devenue un des paramètres majeurs pour juger de la pérennité du cycle actuel.


Ci-dessous la première illustration de l’évolution du taux d’inflation en France sur les dernières décennies.



Les niveaux que l’on observe aujourd’hui n’avaient pas été atteints depuis les années 80. Cette période avait été marquée par la propagation dans l’économie mondiale de deux chocs pétroliers d’ampleur en 1970 puis 1979. En France, l’année 1982 voyait un taux d’inflation de 14% pour un taux de croissance annuel de 2% et un taux de chômage de 7% (contre 4% quelques années plus tôt en 1976). Pour rappel, l’inflation en France est mesurée aujourd’hui à 5.8% pour un taux de croissance annuel de 4.5% et un taux de chômage de 7.3%. 1982 représente ainsi un bel exemple de stagflation. Pourrait-on se retrouver dans une configuration similaire aujourd'hui ? Cela mérite au moins de s’y intéresser.


1. L’inflation mais encore…


Divers indices de prix peuvent être utilisés pour mesurer l'inflation dans une économie. Parmi eux on retrouve l’indice des prix à la consommation (IPC), le déflateur du PIB ou encore l’indice des prix à la production (IPP). L’indice des prix à la consommation (IPC) est utilisé pour évaluer l’inflation de bout de chaîne subit par le consommateur. Cette mesure reste toutefois partielle puisque l’inflation couvre un champ bien plus large que celui de la consommation finale des ménages.


Ci-dessous l’évolution de l’inflation en Zone euro depuis les dernières années. La progression est impressionnante depuis 1992. En effet, l’inflation évoluait jusqu’à présent dans un canal baissier qui se caractérise par des points bas et haut de plus en plus bas. Finalement cette tendance baissière bien installée a été remise en cause par une cassure vigoureuse de la résistance en septembre 2021. Ce graphique montre clairement que la dynamique haussière de l’inflation est antérieure à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et aux tensions énergétiques qui en ont découlées.



Sur le graphique ci-dessous l’inflation sous-jacente s’écarte sensiblement de l’inflation globale à partir de février 2022, en plein cœur de la guerre Russo-ukrainienne, pour arriver à un spread supérieur à 400 points de base sur les derniers mois. Cette évolution récente montre l’importance du secteur de l’Energie sur les niveaux de prix actuel. Pour rappel, l’inflation sous-jacente traduit l'évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande. Il exclut les prix soumis à l'intervention de l'État (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais, produits laitiers, viandes, fleurs et plantes...) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux.



L’évolution de l’indice CRB qui représente la moyenne des prix de l’ensemble des matières premières met en évidence le caractère historique des niveaux actuels puisque ceux-ci n’avaient pas été vus depuis 2008 et 2011. Des dates qui résonnent dans l’histoire économique mondiale comme l’avènement de la crise des subprimes et des dettes souveraines en Europe. Son évolution permet également de prendre la mesure des tensions actuelles sur l’approvisionnement des matières premières accentuées par la guerre Russo-Ukrainienne mais déjà sous tension face à l’envolée des prix du gaz, aux aléas climatiques et géopolitiques un peu plus tôt dans l’année.



L’indice des prix à la production (IPP) manufacturière mesure les variations des prix « départ usine » des produits. Ils excluent toutes les taxes, marges de transport et marges commerciales que l'acheteur peut avoir à payer. De ce fait, ils sont souvent considérés comme des indicateurs avancés de l'évolution des prix dans l'ensemble de l'économie.


Ci-dessous l’évolution des prix à la production en Zone euro. Sans surprise, l’IPP nous laisse entrevoir une inflation soutenue sur les prochains mois. Dans les faits, le pouvoir de prédiction de cet indicateur sur le futur niveau des prix reste limité puisque le décalage entre l’IPP et l’IPC reste minime. Les anticipations d’inflation doivent donc également reposer sur des éléments qualitatifs que nous exposons ci-après.



2. Jusqu’où ira l’inflation ?


De manière assez évidente, l’avenir inflationniste de l’ensemble des grandes puissances économiques sont liées. Les Etats-Unis semblent de ce point de vue, comme bien souvent, en avance sur le cycle mondial et dicteront le ton à venir. Pour rappel, le taux d’inflation aux Etats-Unis est actuellement de 8.6% pour un taux de croissance annuel de 3.5% et un taux de chômage de 3.6%. Ces niveaux (à l’exception du chômage) constituent des points de référence pour les fondamentaux économiques de la Zone euro.



Comme nous avons pu l’identifier en première partie, la dynamique inflationniste que l’on observe aujourd’hui a été initiée en septembre 2021 soit plusieurs mois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. A cette période plusieurs éléments de nature inflationnistes étaient déjà identifiés. Le caractère très particulier de la récession de 2020, puis de la relance exceptionnelle qui a suivi, a permis à l’économie mondiale de conserver des fondamentaux inhabituellement solides en période de sortie de crise. Cette dynamique retrouvée a notamment été marquée par une absence de destruction de richesse du secteur privé avec un taux de défaillance des entreprises historiquement bas, une politique monétaire toujours plus accommodante et un fort rebond de l’activité auquel le système productif n’a pas su répondre dans sa globalité. Les deux premiers facteurs ont été très positifs pour la poursuite du cycle de croissance, mais le troisième a rapidement fait apparaître de fortes tensions inflationnistes. Les banques centrales sont alors apparues beaucoup moins accommandantes et ont rapidement fait entrevoir les prémisses d’un tapering que le marché a dû digérer après des années d’abondance.


Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, affirmait fin mai « nous devrions sortir du pic d’inflation fin 2023 » tout en indiquant « mais nous aurons ensuite un niveau d’inflation structurellement plus élevé, autour de 2 %, en raison de la régionalisation des chaînes de valeurs et du coût très élevé de la transition énergétique ». Les prévisions de l’OCDE font également apercevoir une résistance de l’inflation jusqu’à la fin de l’année pour connaître un ralentissement progressif jusqu’à 3.9% pour la Zone euro fin 2023 et 3.7% pour la France. Ce sont des premiers indicateurs de la dynamique à venir. A noter toutefois que ces prévisions n’ont cessé d’être réévaluées à la hausse à chaque nouvelle publication.


Source: oecd.org/fr/


Second élément de lecture, les calendriers des différentes politiques monétaires mondiales sont quant à eux parfaitement lisibles. Les taux d’intérêt directeurs de la BCE seront réévalués de 25 points de base lors de sa réunion de politique monétaire de juillet. Au-delà de septembre, sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs anticipe « qu’une séquence progressive mais durable de hausses supplémentaires des taux d’intérêt sera appropriée ». Les programmes d’achats d’actifs seront également largement ralentis.


Ces éléments sont de nature déflationniste mais aussi récessifs ce qui représente le grand enjeu à venir des banquiers centraux : freiner la spirale inflationniste en place sans hypothéquer la croissance de l’économie mondiale. Le tassement des coûts de l’énergie, l’atténuation des perturbations de l’offre liées à la pandémie et la normalisation de la politique monétaire se traduiront inévitablement par un ralentissement de l’inflation. Seul l’échéancier reste à ce jour une inconnue. A ce titre, les dernières projections des services de l’Eurosystème tablent sur un taux annuel d’inflation de 6,8 % en 2022, avant une décrue à 3,5 % en 2023 et à 2,1 % en 2024. L’évolution future de la pandémie et la guerre Russo-Ukrainienne restent néanmoins extrêmement déstabilisant et brouillent les signaux macroéconomiques et financiers que l’on peut faire de l’économie mondiale particulièrement à court terme.

Comentários


bottom of page