Ce n'est que récemment à l'échelle du droit de la famille, précisément depuis les années 90, que nous assistons à l'émergence des clauses bénéficiaires démembrées (C. civ., art. 587) au sein des contrats d'assurance-vie. Une possibilité méconnue qui peut se révéler très efficace sous plusieurs aspects, à condition d'en maîtriser l'usage. Quelles sont les règles à respecter ? Quels sont les avantages ? Patrimoine&Bourse fait le point.
L'objectif de cet article est de vous présenter, investisseurs novices ou initiés, l'intérêt d'une clause bénéficiaire démembrée sur un contrat d'assurance-vie. Après avoir exposé les mécanismes juridiques sous-jacents, nous vous présenterons les intérêts de ce procédé sous le prisme de la protection du conjoint et de l'optimisation fiscale.
La clause bénéficiaire démembrée en pratique
En pratique, la situation la plus rencontrée est la suivante : le souscripteur/assuré désigne son conjoint en tant qu'usufruitier (ou quasi-usufruitier compte tenu de la nature consomptible des biens) et son/ses enfant(s) nu(s)-propriétaire(s). Au décès de l'assuré, l'intégralité du capital investi ainsi que les intérêts générés reviendront au conjoint/quasi-usufruitier qui disposera alors, librement, des capitaux reçus.
Afin de ne pas léser le(s) nu(s)-propriétaire(s), le quasi-usufruitier sera désigné titulaire d'une créance de restitution qui viendra en déduction de son actif successoral. Cette dette (ou créance de restitution) viendra diminuer l'assiette taxable aux droits de succession.
Au décès du quasi-usufruitier, le(s) nu(s)-propriétaire(s) (dans notre exemple les enfants) recevront le capital en franchise de droits de succession.
Plusieurs intérêts se dégagent d'une telle opération.
La protection du conjoint survivant
L'intérêt principal de la clause bénéficiaire démembrée reste la protection du conjoint survivant lors du décès de l'assuré. En effet, le conjoint survivant bénéficie, au moment du décès, de la liberté totale quant aux remplois des capitaux reçus.
Au-delà de cet intérêt central de protection du conjoint, le démembrement de la clause bénéficiaire permet également d'optimiser, en bénéficiant d'un cadre fiscal avantageux, le coût de la transmission du patrimoine supporté par les enfants.
Optimisation de la fiscalité
La fiscalité appliquée lors du décès de l'assuré est réduite grâce aux avantages liés à l'assurance-vie et au démembrement :
Le quasi-usufruitier (conjoint de l'assuré) est exonéré totalement des droits de succession en application de la loi TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d'Achat) de 2007.
Le(s) nu(s)-propriétaire(s) seront imposés au prorata de la valeur de la nue-propriété (CGI, art. 669) tout en bénéficiant des abattements prévus dans le cadre de l'assurance-vie (CGI, art. 757 B et 990 I).
Le démembrement de la clause bénéficiaire permet ainsi d'alléger le poids de la fiscalité pesant sur le(s) nu(s)-propriétaire(s) par rapport à une clause standard puisque la fiscalité porte uniquement sur la valeur de la nue-propriété.
Comparatif avec la clause bénéficiaire non démembrée
Dans le cas d'une clause bénéficiaire non démembrée type qui consiste à désigner comme bénéficiaires le conjoint de l'assuré, à défaut son/ses enfant(s), à défaut les héritiers de l'assuré, l'impact fiscal sera bien différent :
Le conjoint survivant reste exonéré totalement des droits de succession en application de la loi TEPA.
Les enfants percevront le capital au décès du conjoint survivant (sauf cas de pré-décès du conjoint survivant ou de renonciation). Cette configuration prive les enfants des avantages liés au démembrement puisque ceux-ci seront imposés sur la totalité des capitaux reçus et non au prorata de la valeur de la nue-propriété.
De plus, si le conjoint survivant n'a pas, au moment du décès du conjoint/assuré, l'utilité des capitaux décès, ceux-ci pourraient être investis sur un contrat d'assurance-vie. Une opération qui, statistiquement, tenant compte de l'espérance de vie actuelle, a de grande probabilité d'intervenir après les 70 ans du conjoint survivant. Privant, par conséquent, les enfants de la fiscalité attrayante de l'assurance-vie (CGI, art. 990 I) relative aux primes versées avant le 70ème anniversaire de l'assuré.
Des points de vigilance à ne pas négliger
Au décès de l'assuré, le(s) nu(s)-propriétaire(s) ne reçoivent aucuns capitaux mais doivent s'acquitter des droits de succession calculés au prorata de la valeur de la nue-propriété. En pratique, l'assureur prélève les droits sur le capital que reçoit le quasi-usufruitier. Toutefois, celui-ci est en droit de réclamer au(x) nu(s)-propriétaire(s) la restitution des droits prélevés.
Pour éviter tout risque de conflit, l'assuré peut préciser, dans la clause bénéficiaire, que le montant des droits dus par le quasi-usufruitier au nom et pour le compte du/des nu(s)-propriétaire(s) sera déduit de leur créance de restitution.
De plus, le quasi-usufruit induit, de par la libre disposition des capitaux, un risque de dilapidation des fonds.
Pour palier ce risque, l'assuré peut prévoir une clause intégrant une obligation de remploi permettant, par exemple, d'imposer à l'usufruitier de réinvestir le capital en démembrement sur des actifs immobiliers. Dans ce cas, le bien est démembré : l'usufruitier ne touche que les fruits des placements.
En conclusion, la rédaction d'une clause bénéficiaire démembrée nécessite, de par sa technicité, l'accompagnement d'un professionnel. Bien souvent négligée, elle représente pourtant un enjeu de premier plan dans l'établissement d'une stratégie patrimoniale optimisée.
Une attention toute particulière tout au long de la vie d'un contrat d'assurance-vie doit être portée à la rédaction de la clause bénéficiaire. Ceci implique une parfaite connaissance de l'environnement familial, patrimonial et des objectifs de transmission de capital poursuivis par le souscripteur.
https://youtu.be/-cJGRHxGio0