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Patrimoine&Bourse

Dépréciation de l'euro : vers une fin programmée

C’est l’un des sujets qui monte dans l’actualité économique de ces derniers mois : la dépréciation de l’euro face au dollar. La faiblesse constatée de l’euro alimente l’inflation actuelle déjà bien vigoureuse en gonflant le prix des importations. C’est particulièrement vrai pour l’Energie (on importe le pétrole en dollar), les matières premières et les biens intermédiaires. Comment analyser le recul de l’euro ? Quels sont les conséquences de cette dynamique sur la Zone Euro ? Explications.



1. La Zone Euro est-elle gagnante au jeu de la dépréciation ?


Les effets de la dépréciation d’une monnaie s’analysent sous trois temporalités qui décrivent à terme une courbe en J. A court terme, les prix à l’importation progressent mais la Zone Euro gagne en compétitivité. Cet effet prix dégrade mécaniquement le solde du commerce extérieur. A moyen terme, la dépréciation influe sur les volumes d’importation et d’exportation et les consommateurs européens perdent en pouvoir d’achat. Cet effet volume améliore désormais le solde du commerce extérieur. A long terme, les secteurs qui commercialisent des biens importés (Services, BTP etc.) vont arbitrer entre la diminution de leurs marges pour contenir la hausse de leur prix entraînant une réduction des importations et l’augmentation de leurs prix pour préserver leurs profits entraînant une nouvelle accélération de l’inflation. Les secteurs exportateurs (Luxe, Aéronautique etc.) vont quant à eux accroître leurs marges en relevant leurs prix, ce qui conduit à une hausse moins importante des exportations. Ces effets de fond effacent en partie les gains de compétitivité obtenus par les entreprises exportatrices grâce à la dépréciation de leur monnaie mais l’effet global reste positif sur le solde du commerce extérieur.


Illustration de courbe en J : évolution du solde courant américain face à une dépréciation du dollar

Source : Banque de France


Au-delà de ces mécanismes théoriques et afin de mesurer les bénéfices ou les pertes réels pour la Zone Euro, il est important de définir sa position dans les échanges mondiaux. Une bonne façon de s’en rendre compte est de regarder la balance des paiements. A noter toutefois que les effets d’une dépréciation ne seront pas les mêmes d’un pays membre à l’autre. En effet, leur tissu productif, leur commerce extérieur sont de composition très hétérogène.

Source : Banque de France


Le compte des transactions courantes a enregistré un excédent de 311 milliards d’euros (2,6 % du PIB de la Zone Euro) en octobre 2021 contre un excédent de 186 milliards (1,6 % du PIB) en octobre 2020. La dépréciation de l’euro semble avoir des effets positifs à court terme, par l’intermédiaire des gains de compétitivité, sur la balance des paiements de la Zone Euro. La France affiche néanmoins un déficit des transactions courantes de 43,7 milliards d’euros (1,9 % du PIB) est pâtie de ce contexte. En raisonnant par l’absurde, la situation apparaît paradoxale au regard de la théorie économique classique puisque la zone euro dégage des excédents extérieurs mais voit sa monnaie se déprécier. Comment expliquer cette anomalie de marché ? Pourrait-on dire que la faiblesse de l’euro est due à la France ? Peut-être pas mais cette distorsion entre la théorie économique et les faits posent questions sur la crédibilité de notre monnaie.


2. Vers une remise en cause de l’euro ?


Nous assistons depuis 2008 à l’érosion continue de l’Euro face au dollar. Depuis 2015, la paire évolue dans un couloir entre 1.05$ et 1.25$ comme nous pouvons le constater sur le graphique ci-dessous représentant la parité EUR/USD en bougies japonaises en données mensuelles. Elément supplémentaire, le taux de change d’équilibre que l’on peut approcher par la parité de pouvoir d’achat se situe en 2021 à 1.45$ soit 30% au-dessus du niveau actuel. On peut donc estimer que l’euro est actuellement sous-évalué face au dollar.

Source : tradingview


Sur une échelle de temps plus courte, nous arrivons aujourd’hui à des niveaux importants pour la tendance de moyen/long terme à venir. Le seuil de décrochage baissier semble se matérialiser à 1.08$, le seuil d’accélération se situe quant à lui à 1.15$. Nous nous situons donc dans une fourchette charnière qui semble dessinait une future tendance baissière de long terme selon les dernières évolutions.


Le taux de change n’est cependant pas la seule variable pour juger de la crédibilité d’une monnaie, il est également important de mesurer son poids à l’international. A ce titre, il est intéressant de surveiller les parts de marché de l’euro sur le plan mondial. Selon les derniers chiffres du FMI, le dollar représente 60% des réserves de change, l’euro 20%, le reliquat étant quant à lui constitué par le yen et la livre sterling.

Source : BIS, IMF, SWIFT and ECB calculations


À fin 2019, 20,6% des réserves de change mondiales étaient détenues en euros pour une valeur de 11 076 milliards de dollar (20,1% au Q1 2020 et 21,2% au Q4 2020). Malgré un contexte de tensions commerciales internationales et de ralentissement prolongé de la croissance mondiale, l’euro demeure la deuxième monnaie la plus importante dans le système monétaire international derrière le dollar américain.


Les prochaines données seront publiées en juin 2022 par la BCE dans le document attendu « The international role of the euro » et seront des éléments importants à surveiller.


La crédibilité et l’image d’une monnaie est donc un espace à deux dimension : le taux de change et les parts de marchés. A ce jour, les parts de marché progressent mais la dynamique est fragile et reste à surveiller. L’asymétrie de comportement entre les grandes Banques Centrales constitue également un élément de lecture important quant à l’évolution du marché des changes dans les mois à venir. S’agissant du taux de change, on reste loin des plus bas qui nécessiteraient une intervention de la Banque Centrale Européenne.

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